LA GRANDE ET VERIDIQUE COMPLAINTE De l'Epouvantable Crime de PANTIN

Title

LA GRANDE ET VERIDIQUE COMPLAINTE De l'Epouvantable Crime de PANTIN

Subtitle

Récit moral et circonstancié de l'attentat commis près d'AUBERVILLIERS-les-VERTUS, sur les personnes de la dame King et SIX de ses enfants, dans la nuit du dimanche 19 au lundi 20 septembre 1869.

Synopsis

61 verse complainte written after Troppmann's arrest but before the trial.

Set to tune of...

Transcription

On ne pourrait pas y croire,
Si ce n'était imprimé,
Tant c'est inaccoutumé:
Car on a pas la mémoire
D'un crime odieux et mesquin,
Comme celui de Pantin!

N'est-ce pas une ironie,
Ou tout au moins un abus,
Que d'appeler: des Vertus,
La plaine où cette infâmire
Fut perpétrée en la nuit
Qui joint dimanche à lundi?

Un paysan du village
Circonvoisin des lieux où
L'on dépose la gadoue,
Vers l'aube allait à l'ouvrage,
Quand ce bon agriculteur
Flaira comme un grand malheur.

Au Chemin-Vert, il remarge,
Fraîche, une mare de sang,
Lors, entrant dedans un champ,
Il en voit deux, trois et quatre;
C'est bien fait pour l'effrayer,
Et mme l'émotionner.

Nonobstant, il se dirige,
Par devers un accident
De terrain! Cet incident,
Sans savoir pourquoi, l'afflige,
Bref, il avise un foulard.
- Ce que c'est que le hasard! -

Ce foulard, donc il le tire,
Mais il le sent résister;
Qui donc peut lui contester
L'objet de sa convoitise?
O horreur! dans le terroir,
Une main tient le mouchoir!

De peur, il laisse sa bche,
S'ensauve vers le pays.
A son air tout ahuri
Chacun se demande: Qu'est-ce
- En se le montrant du doigt -
Qu'il a donc Monsieur Langlois?

Il va chez le Commissaire,
A qui qu'il raconte a.
Aussitôt ce magistrat,
Orné de son secrétaire
Et d'un médecin-docteur,
Part pour le champ des horreurs!

Derrire eux venait en masse,
Une population
D'enfants, filles et garons
Et de gens d'un certain âge.
Car le monde est curieux
De tout voir avec ses yeux.

Cette foule impressionnée
Arrive prs du terrain
Où l'on avait vu la main!
Dans la terre labourée,
Ce qu'on allait découvrir,
C'est à vous faire frémir!

Le premier corps qu'on découvre
C'est un masculin garon.
Sept ans est, à l'unisson,
Le seul âge qu'on lui trouve,
Ce collégien déterré
On vit qu'il était saigné.

Mais pendant que l'on constate
Ce corps, autre collégien!
Ce qui fait qu'on se dit: Tiens,
Il avait un camarade!
Quoiqu'âge de quatorze ans,
Il est mort compltement!

L'instant d'aprs, quelle esclandre!
On enlve à bras-le-corps,
Un troisime et petit corps,
Une fillette innocente,
Portant dans la catastrophe
Pour linceul, un waterproof!

En la voyant si bien mise,
On cherche les causes qui
Ont pu mettre à mal ici
Cette tendre sensitive;
On en voit le pronostic
Tout prs de son ombilic.

A l'aspect du sang qui coule,
Car il était encor chaud,
öˆa vous fait froid dans le dos,
Tellement que, dans la foule,
Deux dames se trouvent mal:
C'est écrit dans le Journal.

Cependant, chose certaine,
Cette oeuvre d'iniquité
N'est à peine qu'à moitié,
Car on tire un quatrime
Cadavre, qu'en raisonnant,
On juge tre la maman.

Ensuite, l'on se repose,
Croyant qu'il n'y en a plus;
On a bientôt reconnu
Qu'il reste encor quelque chose,
On fouille, et ce que l'on tient
C'est encore un collégien!

Cette fois, il est probable
Que c'est bien enfin le tout;
Vraisemblablement, le trou
Ne peut tre inépuisable;
Mais un brave soldat dit:
Attendez, c'est pas fini.

On refouille et l'on retire
Un dernier infortuné;
Par bonheur, c'était l'aîné;
Il avait l'air d'tre en cire,
Car on l'avait méchamment
Etranglé d'un noeud coulant.

Ce que l'on ne peut comprendre,
C'est qu'on a découvert sur
Ces victimes, en or pur,
Des bijoux, qu'au lieu de prendre,
On leur a laissés pour eux,
Quoiqu'ils crevassent les yeux.

C'est comme dedans la poche
De l'un de ces cinq enfants,
On a trouvé de l'argent;
Pourtant, soit dit sans reproches,
Il y avait bien en tout
Cinq six francs et quelques sous.

Mais le comble de l'astuce,
C'est que quand ces pauvres gens
Furent entassés dedans
Le trou, par dessus la butte,
On fit, pas mal imités,
Des sillons bien labourés.

De ces faits inavouables,
Tout un chacun atterré
Se demandait, a c'est vrai,
Combien sont-ils de coupables?
Car un seul ne suffit pas
S'il n'en fait pas son état.

En recherchant les indices,
On put savoir qu'un garon,
Huit jours avant, environ,
Celui de ce préjudice,
Une chambre se louait
Où jamais il ne couchait.

Mais cette chambre meublée,
Hôtel du Chemin de Fer,
Quoique sise en fort bon air,
Etait une simagrée
Pour masquer le noir dessein
Qu'il couvait dedans son sein.

C'est là qu'il prenait ses lettres
Dont il recevait beaucoup;
De la province surtout,
Mme il en reut, le traître!
D'aucunes, c'est avéré,
Sur du papier azuré!

Cet homme à figure fausse,
A l'hôtel se déclarait
Comme arrivant de Roubaix;
C'était un coquin précoce
Dans le mal, ne paraissant
Gure qu'un adolescent.

Or, le jour mme du crime,
Une femme et cinq enfants
Dont les vrais signalements
Sont bien tous ceux des victimes,
Le demandait à l'hôtel,
Dessous son nom personnel.

Là, pour un motif d'absence,
On lui dit: Il n'y est pas.
Elle aurait répondu: Ah!
Je reviendrai. Mais on pense
Que le soir, devant mourir,
Elle ne put revenir.

Mais voice le plus horrible:
Les auteurs de ce méfait
- On dit qu'ils l'ont fait exprs; -
En sont-ils donc susceptibles
Si c'est bien comme on le dit,
Le pre avecque son fils?

Ce crime de par lui-mme:
Fùt-il le fait isolé
D'un simple partiulier,
Est déjà chose inhumaine;
Mais il est bien plus vexant
Venant de proches parents!

L'acte sur lequel on base
Celui de l'accusation,
C'est que ce mari, dit-on,
Voulait, étant de l'Alsace,
Reléguer dans son pays
La femme et ses cinq petits.

La mre, trs-regardante,
Et d'un certain embonpoint,
Vu qu'elle était de Tourcoing,
Répondit: Je suis Flamande,
Jamais, ni moi ni les miens,
Nous ne serons Alsaciens.

Le pre, tout en colre.
Jean King, il avait pour nom,
Pensait, comme de raison,
Que le maître était le pre;
Pour que l'on n'en doute pas,
Ce fut lui qui s'en alla.

Sous un prétexte quelconque,
Son grand fils Gustave aussi
Partit, et dans le pays
Nul, depuis, ne revit oncques
Ni Jean; ni Gustave King,
Trs-bon ouvrier en zing.

Vous devinez bien la route
Qu'avaient prise ces messieurs;
Ils ne pouvaient tre ailleurs
Qu'à Paris, sans aucun doute.
Or, depuis des temps lointains,
Paris est prs de Pantin.

Et c'est à Pantin qu'en somme
Dimanche soir, Bellanger,
Ayant du monde à dîner,
Vit chez lui venir un homme
Pour acheter des outils.
Cela lui sembla subtil.

Des instruments agricoles
A quoi a peut-il servir?
Si ce n'est pour enfouir
Des victimes bénévoles,
Quand, les ayant achetés,
On ne sait pas les porter.

Ce taillandier de mérite,
Des bouchers le fournisseur,
Etait bon pronostiqueur,
Comme on l'a vu par la suite.
Il avait bien deviné
Hélas! rien qu'à vue de nez.

Aprs l'affreuse besogne
L'homme de Roubaix, lundi,
Avec un de ses amis,
Vint à l'hôtel, sans vergogne,
Changer leur linge, tout plein
Du sang de ces chérubins.

Le voyant avec cet autres,
Pour peu qu'on sache compter,
On pouvait, sans se tromper,
- Cet avis est bien le nôtre, -
En conclure que ces gueux
Etaient pour le moins à deux.

D'honneur, faut-il que des hommes
Soient tout-à-fait dépourvus
De noblesse et de vertus,
Dans le progrs où nous sommes.
Pour avoir tant outragé
Une mre et cinq bébés?

Quel émoi dans les familles!
On oubliait pour cela
Tout: la Bourse et coetera.
Les gens les plus versatiles
Ne pensaient plus qu'à penser
Comment a s'était passé.

Voici, du moins, l'on suppose,
D'aprs les renseignements,
Approximativement,
Comment l'on a fait les choses;
Ecoutez bien les détails
Du sanguinolent travail.

D'abord, au clair de la lune,
Ils ont préparé le trou
Qui devait servir à tous;
Mais, ô comble d'infortune!
Ce trou, n'étant pas trs-grand,
Ils furent trs-mal dedans.

Les victimes du massacre,
- Supposons qu'elles sont au ciel! -
Cela doit tre officiel.
Y seraient venues en fiacre,
Suivant le récit fortuit
Du cocher neuf mil cent huit.

C'est, dit-il, prs d'une porte
Que je pris, chemin faisant,
Un homme avec six enfants,
Dont une femme trs-forte;
A preuve que ce bourgeois
S'assit là tout prs de moi.

Ce que j'ai trouvé bizarre:
Il descendit l'un aprs
L'autre, deux des plus jeunets.
Nous laissant prs de la gare,
Emmenant la mre avec,
Soit dit sauf votre respect.

Ce sauvage rien qui vaille
Conduisit son premier lot
Devers un champ de poireaux,
Là où une autre canaille
Les tuait, n'y voyant pas,
En tapant dedans le tas!

Au bout de bien des secondes,
Il vint chercher le restant,
L'air tranquille et souriant.
- Dieu qu'il est du fichu monde! -
Car il me paya mon dù,
Recta: sans un sou de plus.

De ces récits stigmatiques,
On avait l'âme à l'envers,
Au point que se les pervers
Auteurs de ces faits iniques,
On les avait rencontrés,
On les aurait écharpés.

Enfin! heureuse nouvelle!
Un télégramme envoyé
Rend à chacun le coeur gai.
'Un gendarme plein de zle
Vient de mettre le grappin
Dessus l'un de ces gredins.'

Honneur et gloire à ce brave,
Vu qu'il l'a bien mérité.
Mais, lequel est arrté?
Est-ce Jean? est-ce Gustave?
Voici le miraculeux,
Ce n'est pas mme l'un d'eux.

S'ils on trempé dans le crime
Ces deux naö¿fs citoyens,
N'en seraient peut-tre bien
Que les premires victimes.
Certes, s'ils n'existent pas,
Ils sont morts dans le trépas.

Désormais, quoiqu'il arrive,
Le nom de J.-B. Tropmann
Prs de celui de Poulmann,
Mérite que l'on l'inscrive.
Oui, tous deux, en vérité,
Sont à la postérité.

Ce peut-tre était un doute;
On en a plus aujourd'hui,
Car on a trouvé depuis,
Dans le champ tout en déroute,
Le corps d'un des sus-nommés
Le fils; mais bien abîmé!

Troppmann, quel nom plein d'audace!
Est celui du meurtrier,
Que tentant de se noyer,
Fut pris au Havre de Grâce.
De grâce, non dans ce cas
On ne lui en fera pas.

On n'ira pas à l'encontre
Aprs mainte réflexion,
Que malgré l'éducation
On est cramoisi de honte,
Pardevant de tels excs,
D'tre du peuple franais.

Heureusement, je l'espre,
Dedans notre beau pays,
Chacun n'agit pas ainsi.
Que ces tres sanguinaires,
Puisqu'on donne, au vu au su
Chaque an des prix de vertu!

POST-SCRIPTUM

Espérons que les complices
Sont à présent tous pincés,
Qu'ils sont mme trs-vexés.
Et... mais pour que la Justice
Puisse faire son devoir.
Nous taire il va nous falloir.

L'émotion si pénible
Qui m'a inspiré ces vers,
Doit prouver à l'univers
Tout ce qu'un coeur bon, sensbile,
Peut faire à l'intention
De sa génération.

Composer of Ballad

Jacques Binet, Ouvrier Corroyeur

Method of Punishment

guillotine

Crime(s)

murder

Gender

Date

Printing Location

Paris. Imprimerie de Ch. Chaumont, 6, rue Saint-Spire

URL

http://books.google.com.au/books?id=VKsOAAAAYAAJ&printsec=frontcover&source=gbségeésummaryér&cad=0#v=onepage&q&f=false
http://www.executedtoday.com/2009/01/19/1870-jean-baptiste-troppmann-mass-murderer/

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Citation

“LA GRANDE ET VERIDIQUE COMPLAINTE De l'Epouvantable Crime de PANTIN,” Execution Ballads, accessed December 22, 2024, https://omeka.cloud.unimelb.edu.au/execution-ballads/items/show/1027.

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