La déclaration des crimes de madame de Brinvilliers,
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Transcription
Comme méchante pécheresse,
Et vous prie de tout mon coeur
De prendre en gré ma pénitence,
Et me pardonner mes offences
Que je déteste avec douleur.
Je suis perverse créature,
J'ay abusé de la nature,
Plusieurs fois j'ay violé ma foy,
Je suis pleine d'ingratitude,
A mal faire j'ay fait étude
Contre vous, grand Dieu, et la loy.
Dedans ma plus tendre jeunesse
J'usois de ruses et finesses,
Je m'adonnois du tout au mal;
Quoy qu'on prit peine à m'instruire
Je ne m'amusois rien qu'à rire,
A danser et aller au bal.
Bref j'ay commis beaucoup de crimes,
De quoy je faisois peu d'estime,
Et mme par un grand effort
J'ay tant fait que mon trs-cher pre
J'ay réduit comme une mégre
Dessous l'étendart de la mort.
Un Godin et un La Chaussée
Savoient mes secrets et pensées
Comme complices de mes faits.
L'un faisoit le poison sans doute,
L'autre mettoit tout en déroute
Par les poisons les plus infects.
Godin introduit chez mes frres
La Chaussée par trop téméraire
Qui mes frres empoisonna;*
Le dernier mort sans nul doutance
Du poison donna connoissance:
La Chaussée on emprisonna.
On fit en grande diligence
Le procs sans nulle doutance
A La Chaussée trop criminel,
Qui déclara à la justice
Ses par trop détestables vices
Et son péché par trop cruel.
Godin sans nul doute il accuse,
Et point du tout il ne m'excuse:
Promptement il fut condamné
Par le sénat et la justice
Qui pour le punir de son vice
Ont commandé qu'il fut roué.**
Ce fut dans la place de Grve
Qu'il fut rompu sans nulle trve,
En présence des assistans;
Et moy sachant cette nouvelle,
Bien vite je bandé mes voiles
Pour me sauver bien loin aux champs.
Pourtant dans la ville de Liége ***
Ce caresme on me prit au piége,
Et à Paris on m'amena [april 1676]
Jusque à la Conciergerie
Pour faire enqueste de ma vie
Qui beaucoup de monde étonna.
Il y a déja quatre lunes
Qu'une prison trop importune
A renfermé mon chétif corps:
Plut à Dieu qu'une maladie
M'eust maintenant privé de vie
Et réduite au nombre des morts.
Je ne serois pas dans la crainte
De me voir mener sans nul feinte
A la mort trs-honteusement,
Quoy que mon advocat fidle [Nivelle avocat au Parlement]
Témoigne enverse moy un grand zle,
Plaidant pour moy éloquamment.
Mais ma trop maudite cassette
Cause que dessus la sellette
On m'a mis assez rudement,
Et ce qui choque plus mon âme
C'est qu'on m'a mis comme la femme
D'un berger ou d'un artisant.
Une fois j'y fus bien trois heures,
C'est pour moy piteuse demeure,
Je voudrois estre en Portugal,
Ou dans quelque autres estrange terre,
Car mes péchés me font la guerre
Et me cause un estrange mal.
Pourtant dans mes peine et souffrance
Il me faut piller patience;
Grand Dieu, ayez pitié de moy,
Je suis toute couverte de crimes,
Je suis la véritable abyme
De l'équité et de la loy.
Je perds beaucoup de personnages
Par mon poison et grand outrage,
Plusieurs sont dejà en prison
Qui pour moy souffrent grandes peines
Dans les cachots, couverts de chesnes,
En trs-grand tribulation.
De quantités je suis maudite:
On voudroit que je fus détruite,
Mon advocat tient toujours bon,
Et toujours il plaide ma cause:
Nonobstant tout cela je n'ose
Espérer sortir de prison.
De beaucoup je suis accusée
Quantités me nomme rusée
D'avoir fait ma confession.
Ma confession est écrite,
Mon advocat dessus médite,
Cherchant mon absolution.
Peut-on absoudre une personne
Qui à tout vice s'abandonne
Et délaisse son Créateur,
Qui defait pre, soeur et frre,
Et qui aux humains fait la guerre,
Les faisant mourir en langueur?
Mon poison, chose véritable,
Se pouvoit donner à la table,
A la promenade et au lit,
Aux gands, bouquets et aux épingles,
Aux médecines et seringues:
Partout il faisoit son délit.
Mais à ce coup faut que je meure;
Me voicy à ma dernire heure:
Je dis adieu à mes enfans,
A mes parens, à l'assistance,
Je meurs dans les peines et souffrance;
Mon sépulchre sera ardans.
Adieu, adieu, belle noblesse,
Toutes mes ruses et finesses
Ne m'ont servy aucunement:
Il faut paroistre en personne,
Et d'un seul coup que l'on me donne,
On me renverse au monument.
Notes:
Godin= Gaudin de Sainte-Croix, amant de la marquise, mort en juillet 1672.
La Chaussée= D'abord valet de Sainte-Croix, puis de la marquise et enfin du conseiller d'Aubray frere de cette derniere.
* en 1670
** l'arrt est du 24 mars 1673
*** she was arrested in the convent in Liege where she had taken sanctuary by the policeman Desgrais who disguised himself as an abbé
Method of Punishment
Crime(s)
Gender
Date
Execution Location
Notes
Anne Somerset - The Affair of the Poisons: Murder, Infanticide, and Satanism at the Court of Louis XIV (St. Martin's Press (October 12, 2003)
The affair of the poisons
Strange revelations : magic, poison, and sacrilege in Louis XIV's France / Lynn Wood Mollenauer. Pennsylvania State University Press ; [London : Eurospan, distributor], c2007
Wikipedia: Marie-Madeleine-Marguerite d'Aubray, Marquise de Brinvilliers (22 July 1630 - 17 July 1676) conspired with her lover, army captain Godin de Sainte-Croix to poison her father Antonine Dreux d'Aubray in 1666 and two of her brothers, Antoine d'Aubray and Franois d'Aubray, in 1670, in order to inherit their estates. There were also rumors that she had poisoned poor people during her visits to hospitals.
She appears to have used Tofana poison, whose recipe she seems to have learned from her lover, the Chevalier de Sainte Croix, who had learned it from Exili, an Italian poisoner, who had been his cellmate in the Bastille. Her accomplice Sainte-Croix had died of natural causes in 1672.
In 1675, she fled to England, Germany, and a convent, but was arrested in Lige. She was forced to confess and sentenced to death. On 17 July 1676, she was tortured with the water cure, that is, forced to drink sixteen pints of water. She was then beheaded and her body was burned at the stake.
Her trial and the attendant scandal launched the Affair of the Poisons, which saw several French aristocrats charged with poison and witchcraft.
Madame de Sevigné: Encore un petit mot de la Brinvilliers : elle est morte comme elle a vécu, c'est-à-dire résolument. Elle entra dans le lieu où l'on devoit lui donner la question ; et voyant trois seaux d'eau : Œ‚ C'est assurément pour me noyer, dit-elle ; car de la taille dont je suis, on ne prétend pas que je boive tout cela. Œé Elle écouta son arrt, ds le matin, sans frayeur ni sans foiblesse ; et sur la fin, elle le fit recommencer, disant que ce tombereau l'avoit frappée d'abord, et qu'elle en avoit perdu l'attention pour le reste. Elle dit à son confesseur, par le chemin, de faire mettre le bourreau devant elle, Œ‚ afin de ne point voir, dit-elle, ce coquin de Desgrais qui m'a prise : Œé il étoit à cheval devant le tombereau. Son confesseur la reprit de ce sentiment ; elle dit : Œ‚ Ah mon Dieu ! je vous en demande pardon ; qu'on me laisse donc cette étrange vue ; Œé et monta seule et nu-pieds sur l'échelle et sur l'échafaud, et fut un quart d'heure mirodée, rasée, dressée et redressée, par le bourreau : ce fut un grand murmure et une grande cruauté. Le lendemain on cherchoit ses os, parce que le peuple disoit qu'elle étoit sainte. Elle avoit, dit-elle, deux confesseurs : l'un disoit qu'il falloit tout dire, et l'autre non ; elle rioit de cette 1676 diversité, disant : Œ‚ Je peux faire en conscience tout ce qu'il me plaira : Œé il lui a plu de ne rien dire du tout. Penautier sortira un peu plus blanc que de la neige : le public n'est point content, on dit que tout cela est trouble. Admirez le malheur : cette créature a refusé d'apprendre ce qu'on vouloit, et a dit ce qu'on ne demandoit pas ; par exemple, elle dit que M. Foucquet avoit envoyé Glaser, leur apothicaire empoisonneur, en Italie, pour avoir d'une herbe qui fait du poison : elle a entendu dire cette belle chose à Sainte-Croix. Voyez quel excs d'accablement, et quel prétexte pour achever ce misérable. Tout cela est encore bien suspect. On ajoute encore bien des choses ; mais en voilà assez pour aujourd'hui.