Grande complainte sur le crime de Pantin

Title

Grande complainte sur le crime de Pantin

Synopsis

Le cultivateur Langlois déterre cinq enfants ainsi qu'une femme enceinte d'environ six mois. Le gérant de l'hôtel du Chemin de fer du Nord identifie sans peine ses clients, une famille alsacienne, les Kinck, arrivée de Roubaix dans la journée du 19 septembre et partie le soir mme pour un énigmatique rendez-vous. Paralllement, un cocher, confirme avoir déposé la famille sur le lieu où elle a été massacrée. Durant la premire semaine, les soupons se portent sur le fils aîné, qui a disparu. Mais la police arrte au Havre un mécanicien de dix-neuf ans, Jean-Baptiste Troppmann, qui s'apprtait à embarquer pour l'Amérique. Elle trouve sur lui des papiers et des objets appartenant aux Kinck. Le suspect passe rapidement aux aveux. Dans une premire version, il prétend avoir aidé le pre, Jean Kinck, à se débarrasser d'une épouse volage. Mais, mi-novembre, il avoue un meurtre supplémentaire, celui de Jean Kinck, qu'il a empoisonné avec de l'acide prussique avant d'ensevelir le corps dans la fort vosgienne de Cernay. Aprs cent jours d'instruction, le procs s'ouvre, le 27 décembre, à la cour d'assises de la Seine, dans une salle comble.

Set to tune of...

Fualdès

Transcription

Si d'aprs l'histoire on juge,
On a vu des scélérats
Commettre des attentats
Avant mme le déluge;
Mais jamais, sous le Soleil,
On ne vit forfait pareil.

A celui qui prit naissance,
Vers une heure du matin,
Dans la plaine de Pantin:
Il épouvanta la France
Et tous les Etats divers
Qui composent l'univers.

Kinck, était un honnte homme
Frisant quarante six ans,
Pre de six beaux enfants;
Laborieux, économe,
Il cherchait un bon moyen
D'augmenter son petit bien.

Pour son malheur il rencontre,
Dans la ville de Roubaix,
Où il travaillait en paix,
Un garon qui lui démontre
Que pour gagner de l'argent
Il faut tre fabricant.

Ce jeune homme était artiste
En mécanique, dit-on,
Connu de tous sous le nom
Du sieur Tropmann Jean-Baptiste:
Ce n'était qu'un tre hideux,
Un monstre avaricieux.

Tropmann, âme des plus viles,
Dit à Kinck, un certain jour:
Il n'est qu'une ville pour
Gagner des cents et des mille:
A Paris si nous allions
Nous gagnerions des millions.

Kinck pre, simple et bonasse,
Dit: ma foi, tu as raison;
Je vais vendre la maion
Que je possde en Alsace.
Prenons le chemin de fer
Et partons pour Guebwiller.

Tropmann fort en mécanique,
Etait bon chimiste aussi;
Il savait faire l'aci-
De qu'on appelle prussique,
Qu'il transportait avec soin,
Pour s'en servir au besoin.

En route, Jean Kinck l'héberge;
Ils descendent tous les deux
Vers Soultz, dans un chemin creux,
Où se trouvait une auberge;
Ils en emportent du vin
Pour en avoir en chemin.

La journée était superbe,
Tropmann dit: dans les forts
Il fait toujours bon et frais;
Allons nous asseoir sur l'herbe:
Là, je veux vous dire encor
L'art d'amasser beaucoup d'or.

Herrenfluch, ruine sombre,
Marquée au plan cadastral
Comme château féodal,
Offrait un abri plein d'ombre;
C'était l'endroit, qu'à dessein
Avait choisi l'assassin.

Tropmann dit: sous ce mélze
Asseyons-nous; attendu
Que sans peur d'tre entendu
On peut causer à son aise;
Mais avant buvons un coup,
Nous avons marché beaucoup.

Le fourbe, avec politesse,
Offre à Kinck le premier
De porter à son gosier
Une bouteille traitresse:
Ayant bu, l'infortuné,
Tomba mort empoisonné.

Tropmann, l'affreuse canaille,
Démon par l'enfer vomi,
Fourre son crédule ami
Sous un amas de broussailles
En ayant soin d'escoffler
Ses bijoux et ses papiers.

Sans peur, mais non sans reproche,
Tropmann retourne à Paris.
A Roubaix, vite il écrit:
Je tiens l'anguille sous rouche;
Viens, Gustave, avec des fonds;
A Paris nous t'attendons.

Dix-sept ans avait Gustave;
Il était le fils ainé
De Jean Kinck, assassiné,
Aussi timide que brave
Il courut sans retard,
Pour obéir un cafard.

Tropmann, lui dit à la gare:
Nous demeurerons à Pantin:
Nous irons demain matin;
Mais viens fumer un cigare.
Gustave, pauvre mouton,
Ne fit pas d'objection.

Quand le jour devint occulte
Tropmann, ce tigre sournois,
Dans le champ du sieur Langlois
Conduisit le jeune adulte
Et tirant son grand couteau
L'égorgea comme un agneau.

Comme il avait fait du pre,
Il cacha l'adolescent,
Qui avait perdu son sang,
Sous une motte de terre;
Puis, sans le moindre remord,
Regagna l'hôtel du Nord.

Il écrit vite à la veuve,
Qui ne se doutait de rien:
'Dame Kinck, tout va bien.
Si vous en voulez la preuve
Venez dimanche nous voir
Par le dernier train du soir.

Votre mari vous demande,
Venez avec vos enfants;
Apportez beaucoup d'argent
L'usine a de la commande:
Votre mari n'écrit pas
Parce qu'il a mal au bras.'

Ne concevant aucun doute,
Voulant revoir son époux,
Parti depuis la fin d'aoùt,
Dame Kinck se met en route,
Emmenant ses cinq enfants
Qui étaient tous bien contents.

Elle arriva de bonne heure,
Et se rendit à l'hôtel
Du Nord, endroit dans le quel
Tropmann avait sa demeure,
En se faisant le gredin,
Passer pour le bon Jean Kinck.

Tropmann vient sur l'entrefaite
Et lui dit, d'un air joyeux:
Votre mari qui va mieux,
Est dans sa nouvelle emplette;
Car l'usine d'aujourd'hui,
Est son bien: allons chez lui.

Quoique la nuit fut obscure,
Ne consultant que son coeur
Dame Kinck avec bonheur
Se laissa mettre en voiture:
Mon camarade dit Trop-
Mann au cocher, va grand trot.

Bientôt la voiture arrive
Au lieu dit le Chemin vert.
Jamais dans ce lieu désert
On ne voit âme qui vive.
Tropmann dit à son cocher:
Attends ici sans broucher.

Le traître ouvrant la portire,
Dit: l'usine est à cent pas:
Madame, prenez mon bras
Pour éviter les ornires;
Des Kinck il emmena trois
Dans le champ du sieur Langlois.

Alors la bte féroce
Sur la femme se jeta
Et sans pitié lui porta
D'une pioche un coup atroce,
Et lui frappa, tant qu'il put,
De la tte l'occiput!!

La pauvre âme étant enceinte,
Ne pouvait, vu son état,
Résister au scélérat.
Sans proférer une plainte,
Elle expira sur le champ
De Langlois teignant le champ.

De l'innocente Marie,
Qui était encore au sein,
Le misérable assassin
De ses doigts trancha la vie!
Et de la mme faon
Traita le petit garon!

Aprs ce quadruple crime
Le monstre vers le cocher
S'en fut en sifflant, chercher
Les trois fils de sa victime,
Et son couteau meurtrier
Eventra les trois derniers!!

Aprs cet affreux carnage,
Qui ferait couler des pleurs
Des yeux des plus mauvais coeurs,
Le bandit eut le courage
D'enterrer ces pauvres corps,
Pour dissimuler leur mort.

Abandonnant les cadavres,
Et prévoyant qu'il pourrait
Etre inquiété, s'il restait,
Tropmann, partit pour le Hâvre
Dans l'espoir de débusquer
Un vaisseau pour s'embarquer.

Mais la divine justice,
Qui toujours a l'oeil ouvert,
Ne permet pas qu'un pervers
De son crime en paix jouisse:
Langlois, se rendit au lieu
Du meurtre, conduit par Dieu.

Le brave propriétaire,
Qui marchait à petits pas,
Vit que son champ n'était pas
Dans son état ordinaire;
Il crut mme apercevoir
Du sol sortir un mouchoir.

Vers cet objet il se penche
Et veut tirer à lui.
Horreur!! une main le suit
Une main, petite et blanche!!
Langlois quelque peu surpris
Poussa d'effroyables cris.

De tous les côtés du monde
A cet appel arriva,
Et tout de suite on trouva,
Dans une fosse profonde,
Les malheureux trépassés
Aussi raides que glacés.

Ce spectacle épouvantable
Attira des magistrats,
Des gens de tous les états,
En quantité innombrable.
Dans chaque département
On apprit l'évnement.

Dans le Hâvre la nouvelle
Se répadit comme ailleurs.
Un gendarme, des meilleurs,
Se dit: faisons sentinelle
De prs observons l'aspect
De tout individu suspect.

Ce modle des gendarmes,
Incorporé sous le nom
De Ferrand au bataillon,
N'est point dépourvu de charmes:
Il a l'air avantageux
Et le port majestueux.

Ce brave guerrier remarque
Le sanguinaire Tropmann;
Vtu comme un gentlemann,
Cherchant partout une barque,
Il lui dit, auprs du port:
Monsieur, votre passeport.

A ces mots pleins d'importance
L'assassin, à moitié fou,
Prend ses jambes à son cou
Et dans le canal s'élance,
Espérant finir ses jours
En se noyant pour toujours.

Il disparaissait sous l'onde,
Lorsque le calfat, auquel
On donne le nom d'Hauguel,
Repcha, le mieux du monde,
Celui qui voulait sous l'eau
Echapper à l'échafaud.

Tropmann reconnu pour tre
Le meurtrier réclamé,
Fut bien vite renfermé
Dans un cachot sans fentre.
Avec plaisir on apprit
Que le bandit était pris.

Ramené, sous bonne escorte,
A Paris, pour s'expliquer,
Il essaya de craquer,
Mais sa colle était trop forte:
Au juge, il eut beau mentir,
On l'empcha de sortir.

Par-devant la Cour d'assises,
L'avocat maître Lachaud,
Pour lui se montra la chaud;
En ses paroles exquies,
Le président Thevenin
Lui dit: vous parlez en vani.

'Tropmann, monstre de nature,
A déjà donné la mort
Avant de tirer au sort,
A prs de dix créatures.
Il doit tre condamné
A se voir guillotiné.'

Cette lamentable histoire
Prouve qu'il y a danger,
D'écouter un étranger
Qui veut nous en faire accroire;
Bonnes gens de tous pays,
Choisissez bien vos amis.

Cette histoire aussi nous prouve,
Que celui qui veut gagner
De l'argent sans travailler,
Désir que l'honneur réprouve,
Devient un tre immoral
Qui, pour sùr, finira mal.

FIN.


























Crime(s)

murder

Gender

Date

Execution Location

Paris

Printing Location

l'imagerie Pellerin d'épinal

URL

http://www.histoire-image.org/pleincadre/index.php?i=1182&idésel=2238

Notes

Same complainte text also attached to Jugement et Condamnation de Tropmann.

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Jugement et Condamnation with complainte.jpg

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“Grande complainte sur le crime de Pantin,” Execution Ballads, accessed November 3, 2024, https://omeka.cloud.unimelb.edu.au/execution-ballads/items/show/1022.

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