S'ensuyvent les Regretz et Complainte de Nicolas Clereau, avec la mort d'icelluy
Title
S'ensuyvent les Regretz et Complainte de Nicolas Clereau, avec la mort d'icelluy
Synopsis
From Journal d'un bourgeois de Paris de 1515-1536:
Audict an, samedy, troisiesme d'octobre (1529), Nicolas Clereau, vinaigrier de Paris, qui estoit marié,
pour les grandz maulx, meurdres, bateries et larrecins qu'il avoit faictz tant à Paris que dehors, fut, par sentence de maistre Jean Morin, baillyf du Palais, confirmée par arrest de la cour, pendu par les aisselles en une corde et eslevé hault, puis jecté et bruslé en un grand feu en la place de Grve. Et fut cest exécution faicte huict jours aprs avoir esté amené de Bourges par l'huissier Bachelier, accompaigné de dix ou douze hommes,
tout enferré et lié; car la cour y avoit envoié ledict huissier le querir et le prendre d'entre les mains et prisons du prevost des mareschaux dudict paö¿s de Bourges et l'amener en la Conciergerie. Laquelle cour le bailla s mains dudict Morin pour luy faire son procs, lequel incontinent l'envoia prisonnier au Petit-Chastelet du Petit-Pont, pource qu'environ deux ans auparavant, estant prisonnier en ladite Conciergerie, il y avoit rompu les prisons. Et le condamna ledict baillyf Morin comme dessus, dont le criminel appella; neantmoins, ladicte sentence fut confirmée. Il avoit regné plus de six ans à faire les maulx pour lesquels il fut condamné à mort.
Audict an, samedy, troisiesme d'octobre (1529), Nicolas Clereau, vinaigrier de Paris, qui estoit marié,
pour les grandz maulx, meurdres, bateries et larrecins qu'il avoit faictz tant à Paris que dehors, fut, par sentence de maistre Jean Morin, baillyf du Palais, confirmée par arrest de la cour, pendu par les aisselles en une corde et eslevé hault, puis jecté et bruslé en un grand feu en la place de Grve. Et fut cest exécution faicte huict jours aprs avoir esté amené de Bourges par l'huissier Bachelier, accompaigné de dix ou douze hommes,
tout enferré et lié; car la cour y avoit envoié ledict huissier le querir et le prendre d'entre les mains et prisons du prevost des mareschaux dudict paö¿s de Bourges et l'amener en la Conciergerie. Laquelle cour le bailla s mains dudict Morin pour luy faire son procs, lequel incontinent l'envoia prisonnier au Petit-Chastelet du Petit-Pont, pource qu'environ deux ans auparavant, estant prisonnier en ladite Conciergerie, il y avoit rompu les prisons. Et le condamna ledict baillyf Morin comme dessus, dont le criminel appella; neantmoins, ladicte sentence fut confirmée. Il avoit regné plus de six ans à faire les maulx pour lesquels il fut condamné à mort.
Transcription
Comme esbahy et esveillé d'ung somme,
Voyant la mort, qui toute gent assomme,
Qui me suivoit et chassoit de trop prs,
Pa[r] quoy j'ay fait ces regretz par exprs,
Pensant comment ds le temps de jeunesse
J'estoys nourry et tenu en liesse
Trs soefvement entre les miens parens,
Dont me complains, par cas bien apparens,
Quant je me voy en douleurs si extresmes
Qu'il me convient mourir, dont en moy-mesmes
Je suis dolent sans aucun reconfort;
Mais, pour m'oster ceste douleur, au fort
Le mien escript je compose en complaincte,
En demonstrant comment, par douleur mainte
Suis assailly de pleurs, gemissemens,
Qui m'ont causé de trs cruelz tourmens,
Disant en moy: Ha! povre malheureux,
Pleure ton dueil et ton cas douloureux;
Ne voys-tu pas triste mort qui t'attend?
Sans delayer, cela elle pretend;
Il convient rendre au grand jugement compte
Bien tost sans plus: point n'y fault de mescompte
Pense donc bien dedans ta conscience,
Car sans elle tu n'as point de science.
Regarde bien les maulx que tu as faitz;
Espluche bien, car ce sont villains faitz.
A! Nicolas, Nicolas dit Clereau,
Ton cas n'est pas à ceste heure trop beau;
Car tu es prins en main de la justice
Qui pugnit ont tout le tien malefice.
Voy-tu pas bien que l'on mayne le bruit
Dedans Paris, c'est que tu es destruit;
Dames, seigneurs et menu populaire
T'ont condamné comme de faulx affaire.
- Las! que feray-je au devant du grant juge,
Ne que diray! Je n'ay point de reffuge
Sinon à toy, doulce vierge Marie!
Devant ton filz, je te pry, ne m'oublie.
Raison pourquoy? tu es la tresorire
Des cieulx haultains et advocate chre
De nous pecheurs. J'ay en toy ma fiance;
Donnes-moy donc maintenant pascience.
Helas! helas! quel dangereux diffame
Pour mes parens et pour ma doulce femme!
Ha! doulce amye! ayez bonne atrempance;
Ne vous courroucez, voyant ma doleance;
Prenez bon coeur sans avoir nul esmoy:
Plus je vous plains que je ne fais pas moy.
Quant je vous voy seulle [sinsi] demourée,
Je vous plains fort; vous estes demourée
Sans nul confort, comme toute dolente,
Et je m'en voys sans faire longue attente.
Priez pour moy le trs souverain Dieu
Qu'en paradis me donne place et lieu,
C'est assavoir qu'il colloque mon ame
Au ciel divin; je vous pry, doulce dame.
Encor vous dis qu'aprs la mienne mort
Gouvernez-vous honnestement d'acort;
Ne faites rien que de vous l'on mesdise;
A faire bien soyez tousjours aprise.
Bien say de vray que je vous ay laissée,
Dont me desplaist; je vous ay offencée.
Pardonnez-moy, j'ay faulcé mariage;
Je suis marry trop fort en mon couraige.
Enfans, enfans, qui avez liberté,
Gouvernez-vous en humble honnesteté,
Faictes si bien que vous n'encourez hayne
[missing line - printer printed next line twice]
Et n'ayez point le coeur si trs volage
Comme j'ay eu, et je dis davantage
Que ne soyez de si fresle pensée.
Suyvez tousjours la bonne compaignée
Sans estre oyseulx et tenir en paresse.
Adieu vous ditz, toute joye et liesse;
Adieu vous ditz, m'amye l'artyllre;
Adieu vous ditz, ma doulce amye et chre;
Adieu vous ditz, celle que tant j'amoye;
Adieu vous ditz, mon plaisir et ma joye;
Adieu vous ditz, toutes filles pucelles;
Adieu vous ditz, et femmes et ancelles;
Adieu vous ditz, mon cher amy et frre;
Car je m'en vois mourir de mort amre
Comme ung larron et ung traistre meurtrier;
Mais, s'il vous plaist, veuillez pour moy prier
Le trs bon Dieu, et qu'à mon ame face
Don de mercy, en me donnant sa grace.
Helas! je suis en grant perplexité,
Pensant comment à Bourges la cité
Je fus surpris et mené à Paris,
Qui est la fin de tous les miens perilz.
Là arrivay, au petit Chastellet
Fus enfermé: cela me fut fort lait,
Et cependant on faisoit mon procs,
Et le baillif, voyant des maulx l'excs,
Me fist venir au dedans des Requestes,
Là où il fist de moy bonnes enquestes,
Combien pour vray que rien ne vouluz dire,
J'avoys le cueur remply de dueil et ire;
Mais non pourtant m'amena des tesmoings
Qui contre moy tesmoignrent maulx maintz,
Par quoy je fuz trs fort honteusement
Condampné lors à mourir briefvement,
Et, mis au feu, estre bruslé tout vif.
Voillà l'exploit que me fist le baillif.
A ceste heur, pour vous le faire court,
J'en appelle vistement en la court,
Où il fut dit j'avoys mal appellé
Et bien jugé; point ne me fust cellé.
Voilà comment je fus expedié
De par messieurs; par quoy je fus prié
De souffrir lors la mort paciemment.
Hé Dieu! voicy trs grant encombrement;
Paris, Paris, cité et bonne ville,
Adieu te ditz; il m'est bien difficile
De maintenant mourir si durement.
Gentilz gallans, tenez-vous hardiment,
Sans point faillir, tousjours sus vostre garde;
Car je fus prins par trs grande mesgarde.
Trs bons crestiens, quant mourir me verrez,
Priez Jesus, comme faire saurez,
Affin que j'aye en luy ma remembrance:
Car j'ay tousjours en sa grace fiance.
Vous, mes parens, faites chanter des messes
Pour prier Dieu à faire mes adresses
En paradis, là où est toute joye.
S'il est aulcun à qui meffait je aye,
Grace et pardon me donne maintenant.
Je voys mourir, en ceste main tenant
La saincte croix où mourut le Seigneur,
Le redempteur de nous et enseigneur.
Enfin je sens la mort, puis qu'elle vient,
Sans resister: car mourir me convient,
Comme celuy qui l'a trs bien gaignée.
O dure mort, que j'ay tant esperée,
Rendre me vueil à toy sans resistance!
O crestiens, qui estes en assistance,
Sans plus parler je m'en voys sans attendre
En gloire; lors vueillez à moy entendre
Tant que mort soys, car je ne foys que frire.
Adieu vous ditz: plus ne vous say que dire.
Si bien virez et revirez,
Le nom de l'auteur trouverez.
[Last 13 lines but one spell 'Gilles Coroset']
Plus que moins
Voyant la mort, qui toute gent assomme,
Qui me suivoit et chassoit de trop prs,
Pa[r] quoy j'ay fait ces regretz par exprs,
Pensant comment ds le temps de jeunesse
J'estoys nourry et tenu en liesse
Trs soefvement entre les miens parens,
Dont me complains, par cas bien apparens,
Quant je me voy en douleurs si extresmes
Qu'il me convient mourir, dont en moy-mesmes
Je suis dolent sans aucun reconfort;
Mais, pour m'oster ceste douleur, au fort
Le mien escript je compose en complaincte,
En demonstrant comment, par douleur mainte
Suis assailly de pleurs, gemissemens,
Qui m'ont causé de trs cruelz tourmens,
Disant en moy: Ha! povre malheureux,
Pleure ton dueil et ton cas douloureux;
Ne voys-tu pas triste mort qui t'attend?
Sans delayer, cela elle pretend;
Il convient rendre au grand jugement compte
Bien tost sans plus: point n'y fault de mescompte
Pense donc bien dedans ta conscience,
Car sans elle tu n'as point de science.
Regarde bien les maulx que tu as faitz;
Espluche bien, car ce sont villains faitz.
A! Nicolas, Nicolas dit Clereau,
Ton cas n'est pas à ceste heure trop beau;
Car tu es prins en main de la justice
Qui pugnit ont tout le tien malefice.
Voy-tu pas bien que l'on mayne le bruit
Dedans Paris, c'est que tu es destruit;
Dames, seigneurs et menu populaire
T'ont condamné comme de faulx affaire.
- Las! que feray-je au devant du grant juge,
Ne que diray! Je n'ay point de reffuge
Sinon à toy, doulce vierge Marie!
Devant ton filz, je te pry, ne m'oublie.
Raison pourquoy? tu es la tresorire
Des cieulx haultains et advocate chre
De nous pecheurs. J'ay en toy ma fiance;
Donnes-moy donc maintenant pascience.
Helas! helas! quel dangereux diffame
Pour mes parens et pour ma doulce femme!
Ha! doulce amye! ayez bonne atrempance;
Ne vous courroucez, voyant ma doleance;
Prenez bon coeur sans avoir nul esmoy:
Plus je vous plains que je ne fais pas moy.
Quant je vous voy seulle [sinsi] demourée,
Je vous plains fort; vous estes demourée
Sans nul confort, comme toute dolente,
Et je m'en voys sans faire longue attente.
Priez pour moy le trs souverain Dieu
Qu'en paradis me donne place et lieu,
C'est assavoir qu'il colloque mon ame
Au ciel divin; je vous pry, doulce dame.
Encor vous dis qu'aprs la mienne mort
Gouvernez-vous honnestement d'acort;
Ne faites rien que de vous l'on mesdise;
A faire bien soyez tousjours aprise.
Bien say de vray que je vous ay laissée,
Dont me desplaist; je vous ay offencée.
Pardonnez-moy, j'ay faulcé mariage;
Je suis marry trop fort en mon couraige.
Enfans, enfans, qui avez liberté,
Gouvernez-vous en humble honnesteté,
Faictes si bien que vous n'encourez hayne
[missing line - printer printed next line twice]
Et n'ayez point le coeur si trs volage
Comme j'ay eu, et je dis davantage
Que ne soyez de si fresle pensée.
Suyvez tousjours la bonne compaignée
Sans estre oyseulx et tenir en paresse.
Adieu vous ditz, toute joye et liesse;
Adieu vous ditz, m'amye l'artyllre;
Adieu vous ditz, ma doulce amye et chre;
Adieu vous ditz, celle que tant j'amoye;
Adieu vous ditz, mon plaisir et ma joye;
Adieu vous ditz, toutes filles pucelles;
Adieu vous ditz, et femmes et ancelles;
Adieu vous ditz, mon cher amy et frre;
Car je m'en vois mourir de mort amre
Comme ung larron et ung traistre meurtrier;
Mais, s'il vous plaist, veuillez pour moy prier
Le trs bon Dieu, et qu'à mon ame face
Don de mercy, en me donnant sa grace.
Helas! je suis en grant perplexité,
Pensant comment à Bourges la cité
Je fus surpris et mené à Paris,
Qui est la fin de tous les miens perilz.
Là arrivay, au petit Chastellet
Fus enfermé: cela me fut fort lait,
Et cependant on faisoit mon procs,
Et le baillif, voyant des maulx l'excs,
Me fist venir au dedans des Requestes,
Là où il fist de moy bonnes enquestes,
Combien pour vray que rien ne vouluz dire,
J'avoys le cueur remply de dueil et ire;
Mais non pourtant m'amena des tesmoings
Qui contre moy tesmoignrent maulx maintz,
Par quoy je fuz trs fort honteusement
Condampné lors à mourir briefvement,
Et, mis au feu, estre bruslé tout vif.
Voillà l'exploit que me fist le baillif.
A ceste heur, pour vous le faire court,
J'en appelle vistement en la court,
Où il fut dit j'avoys mal appellé
Et bien jugé; point ne me fust cellé.
Voilà comment je fus expedié
De par messieurs; par quoy je fus prié
De souffrir lors la mort paciemment.
Hé Dieu! voicy trs grant encombrement;
Paris, Paris, cité et bonne ville,
Adieu te ditz; il m'est bien difficile
De maintenant mourir si durement.
Gentilz gallans, tenez-vous hardiment,
Sans point faillir, tousjours sus vostre garde;
Car je fus prins par trs grande mesgarde.
Trs bons crestiens, quant mourir me verrez,
Priez Jesus, comme faire saurez,
Affin que j'aye en luy ma remembrance:
Car j'ay tousjours en sa grace fiance.
Vous, mes parens, faites chanter des messes
Pour prier Dieu à faire mes adresses
En paradis, là où est toute joye.
S'il est aulcun à qui meffait je aye,
Grace et pardon me donne maintenant.
Je voys mourir, en ceste main tenant
La saincte croix où mourut le Seigneur,
Le redempteur de nous et enseigneur.
Enfin je sens la mort, puis qu'elle vient,
Sans resister: car mourir me convient,
Comme celuy qui l'a trs bien gaignée.
O dure mort, que j'ay tant esperée,
Rendre me vueil à toy sans resistance!
O crestiens, qui estes en assistance,
Sans plus parler je m'en voys sans attendre
En gloire; lors vueillez à moy entendre
Tant que mort soys, car je ne foys que frire.
Adieu vous ditz: plus ne vous say que dire.
Si bien virez et revirez,
Le nom de l'auteur trouverez.
[Last 13 lines but one spell 'Gilles Coroset']
Plus que moins
Composer of Ballad
Gilles Corrozet
Method of Punishment
hanging, burning
Crime(s)
murders
Gender
Date
Execution Location
Place de Grve, Paris
URL
http://archive.org/stream/recueildeposie01montuoft#page/108/mode/2up/search/Nicolas
http://books.google.com.au/books?id=zrQDAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=recueil+de+po%C3%A9sies+fran%C3%A7aises+des+XVe+et+XVIe+volume+1&hl=en&sa=X&ei=R0ykUcSLBs7OkAWo-oDIDg&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=complainte&f=false
Notes
from Google Books; receueil de poesies francaises des XV et XVIe siecles (Montaiglon)
Collection
Citation
“S'ensuyvent les Regretz et Complainte de Nicolas Clereau, avec la mort d'icelluy,” Execution Ballads, accessed November 11, 2024, https://omeka.cloud.unimelb.edu.au/execution-ballads/items/show/1031.